Jeudi 28 juin 2012 de 14h00 à 15h30
Auditorium IRCICA, parc scientifique de la Haute Borne à Villeneuve d’Ascq
√ Abstract :
Depuis Darwin les arbres sont centraux pour représenter l’évolution des espèces et des objets biologiques. Un objectif majeur est de reconstruire tout ou partie de l’arbre de la vie, contenant l’histoire évolutive de l’ensemble des espèces vivant à la surface du globe. L’inférence d’arbres évolutifs ou phylogénies s’avère un outil essentiel en biologie moléculaire pour décrypter les génomes. Les progrès dans ce domaine sont rapides en raison de l’afflux des données de séquences et du développement de méthodes d’inférences toujours plus performantes. Plusieurs modèles mathématiques ont été proposés pour les arbres évolutifs, depuis les premiers travaux de Galton-Watson à la fin du 19ème siècle. Deux modèles très simples ont émergé : le modèle de Yule utilisé pour représenter les spéciations successives, et le modèle du coalescent utilisé pour représenter les généalogies. Je décrirai ces modèles, leurs points communs, leurs différences et leurs variantes. Puis je décrirai des travaux récents que nous avons réalisés sur le modèle de Yule. Les premiers s’attachent à reconstruire un caractère ancestral en se basant sur l’observation des caractères observés chez les espèces contemporaines, problème très proche de celui de la transmission de messages sur un réseau [1]. Nous montrons [2] que les bonnes propriétés du modèle de Yule rendent cette reconstruction possible et fiable sous des hypothèses raisonnables et avec des méthodes d’inférence très simples. Nos seconds travaux s’intéressent à l’arbre de la vie, à sa redondance génétique, et à la perte prévisible de diversité sous l’effet anthropique. Nous montrons [3] que d’autres propriétés du modèle de Yule indiquent que cette érosion devrait malheureusement être beaucoup plus rapide que ne l’avaient prédit Nee et May [4] en se basant sur le coalescent, peu approprié pour modéliser l’arbre de la vie.
[1] W. Evans, C. Kenyon, Y. Peres, L.J. Schulman. 2000. Broadcasting on trees and the Ising Model. Annals of Applied Probability 10(2):410.
[2] O. Gascuel, M. Steel. 2010. Inferring ancestral sequences in taxon-rich phylogenies. Mathematical Biosciences 227(2):125-135.
[3] A. Mooers, O. Gascuel, T. Stadler, H. Li, M. Steel. 2012. Branch Lengths on Birth-Death Trees and the Expected Loss of Phylogenetic Diversity. Systematic Biology 61(2):195-203.
[4] S. Nee, R. M. May. 1997. Extinction and the loss of evolutionary history. Science 278:692-694.
√ Bio :
Olivier Gascuel, directeur de recherches CNRS au Laboratoire d’Informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (LIRMM) de l’UM2, est lauréat 2009 de la médaille d’argent du CNRS.
Spécialiste en bioinformatique appliquée au domaine de l’évolution, il est l’un des fondateurs d’une méthode particulièrement rapide pour l’inférence phylogénétique par maximum de vraisemblance. Il est à l’origine de l’article d’écologie et environnement actuellement le plus cité.
Après des études de mathématiques et une thèse d’informatique, Olivier Gascuel s’est tourné vers la biologie moléculaire, au tout début de l’ère génomique qui a vu se développer de fortes interactions entre informaticiens, mathématiciens, physiciens et biologistes.
L’équipe qu’il anime au LIRMM traite de sujets divers en bioinformatique, allant de l’algorithmique des séquences aux méthodes statistiques d’analyse des données de puces à ADN.
Plus particulièrement, ses travaux dans le domaine de l’évolution ont des objectifs multiples : reconstruire l’histoire évolutive à différents niveaux, du gène à l’espèce, identifier les mécanismes, moléculaires notamment, et contribuer au décryptage des génomes.
Il est ainsi à l’origine de nombreux modèles, algorithmes et logiciels, qui sont largement diffusés au niveau international. Il s’est fortement impliqué dans l’animation de la communauté bioinformatique, pluridisciplinaire par nature, en organisant des conférences, éditant des ouvrages et mettant en place des collaborations, avec l’Afrique en particulier.
Ses travaux récents portent sur l’évolution et l’étude des génomes pathogènes, notamment paludisme, grippe et VIH. Il travaille actuellement à la création de l’Institut de Biologie Computationnelle dont l’objectif sera de favoriser et de faire fructifier les rencontres de chercheurs au sein de la communauté Montpelliéraine, si active en biologie, santé et environnement.
Les approches combineront la modélisation, la statistique, l’algorithmique et les bases de données et de connaissances, pour répertorier et intégrer ces masses de données hétérogènes. Au-delà de l’acquisition des données, une large place sera faite à la validation expérimentale des modèles et des prédictions, en se basant notamment sur les constructions biomimétiques et les simulations informatiques. Les questions biologiques visées sont très larges et concernent la santé (par exemple : cancer, génomes pathogènes, maladies génétiques, épidémiologie), l’environnement (par exemple : biodiversité, croissance des plantes et génomique végétale, interactions entre espèces, notamment les systèmes hôtes-parasites), et la biologie en général (par exemple : évolution, développement, biologie structurale, vie cellulaire, organisation du vivant).
Cet institut proposera la création d’événements (écoles thématiques, conférences, workshops) et invitera des chercheurs étrangers en résidence. Des séminaires transversaux et grand public seront proposés régulièrement (bioinformatique, biostatistique, écologie mathématique, interface physique / biologie).